J.-J.-Ildephonse GUIEU
instituteur français
18.. - 18..
__________
Le nuage et la fleur
Le ciel était calme et brûlant,
Et du soleil étincelant
Les feux couvraient la plaine aride.
Dans les airs un nuage humide,
De forme et de couleur changeant,
Seul, promenait fier et splendide
Ses légers flots d'or et d'argent ;
Triste, et de soif presque mourante,
Une humble fleur, avec effort,
Levant sa tête suppliante,
Lui demandait, pâle et tremblante
De prendre pitié de son sort :
- Entends mes vœux, sois-moi propice,
0 des nuages le plus beau,
Disait-elle, et dans mon calice
Fais tomber un peu de ton eau ;
De la douce et féconde pluie
Qui pèse sans doute à tes flancs,
Sur moi, beau nuage, répands
Une goutte, je t'en supplie,
Hélas ! il en est temps encore.
Mais si de moi tu n'as souci,
Je meurs et ma famille aussi,
Je n'atteindrais pas à l'aurore.-
Et le nuage, sourd à la voix qui l'implore,
S'en va flotter sous d'autres cieux,
Sans trop s'inquiéter du destin rigoureux
De l'humble fleur que le soleil dévore ;
Mais avant le déclin du jour,
Ramené par 1'Auster qui gronde,
Dans son calice avec amour
II répandit les trésors de son onde,
Et sur-le-champ la pauvre fleur,
Qui périssait de sécheresse,
Sur sa frêle tige se dresse,
Reprend sa brillante couleur,
Le doux éclat et la fraicheur
Dont s'embellissait sa jeunesse.
Dans nos besoins, ayons recours
A la divine Providence ;
Des biens que sa bonté dispense
Si Dieu parfois suspend le cours
Et fait sur nous lever de mauvais jours,
Prions et souffrons en silence ;
Dieu ne s'est pas éloigné pour toujours,
Il nous visitera bientôt dans sa clémence :
C'est à l'heure où moins on y pense,
Que bien souvent arrive le secours.
in Fables offertes à la jeunesse, Livre cinquième, Fable XVIII - 1867