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Exposition

Nuage parallèle

installations
de Nicolas DARROT

7 janvier - 19 mars 2017
Espace L'ABBAYE - ANNECY LE VIEUX
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"Avec les nuages, s’installe un régime de glissements, une forme d’écoulement anamorphique permanent qui finit par contaminer le langage et dépasse de loin les traités sur la physique des nuages. Face aux phénomènes météorologiques, à ses flots de brume, à ses mers de nuages, à ces mondes fabuleux où tout nous sépare de la terre, l’artiste tel un inventeur, révèle dans cette exposition un désir de comprendre comment fonctionne cette fabuleuse mécanique des fluides."


Jean-Marc Salomon
Directeur Artistique de l’Abbaye Espace d’Art Contemporain

 

Nuage parallèle


"Une chambre à brouillard constitue le point d’entrée de l’exposition. Connectée à un diorama évoquant un souvenir du glacier d’Argentière, cet appareil nous révèle l’activité continue des particules sub-atomiques traversant l’atmosphère, puis la Terre avant de poursuivre leur chemin vers d’autres confins.

Cette vitrine, renfermant un petit nuage saturé en vapeur d’alcool, sensible aux moindres variations des rayonnements cosmiques, nous présente une forme dont il est possible de tirer des ramifications multiples, aux racines desquelles pourrait siéger la maxime d’Héraclite "Ta Panta Rhei", ou pour le dire avec Lucrèce "Le monde entier s’écoule en un flux permanent".

Et ainsi naît la fascination pour la brume, forme paradoxale d’une éternelle impermanence, nommant aussi, brevissima, la journée du solstice d’hiver, la journée la plus brève.

Les pentes du glacier d’Argentière, miroirs de la lointaine Devgiri, se présentent à nous comme de splendides théâtres où se jouerait sans fin le spectacle de la transfiguration d’un temps liquide, progressant insensiblement vers la mer, tout en bas, se brisant en périodes, séracs décisifs, qui finiront par fondre ou se distiller en souvenirs. Le glacier d’Argentière nous fournit ainsi une métaphore de notre propre sensibilité à l’écoulement des évènements qui forment notre vie. Tout comme la chambre à brouillard, il s’agit d’un objet tissé, d’une trame faite d’un flou continu, zébré de fulgurances, de lignes de faille.

Le processus mystérieux par lequel nous isolons dans notre sommeil des évènements du continuum de notre existence pour en faire des souvenirs implique une petite zone dans notre cerveau, dont le nom sonne comme celui d’un nuage. Le thalamus, donc, se pose à l’interface d’une suite d’évènements discrets, et construit des failles, trace des limites qui dessinent peu à peu, selon une forme de calcul tout à fait parallèle, ce qui deviendra notre propre géométrie, notre Château intérieur.

Par extension, nous pourrions voir dans la classification des nuages autant d’animaux étranges, ou d’organes imaginaires, qui présideraient ainsi à l’édification de la psyché. Cirrus vertebratus, stratocumulus mamatus, cumulogenitus capilatus formeraient les différents pelages d’un bestiaire céleste flottant au-dessus de nos esprits. Mais aucun d’entre eux ne porte comme le thalamus un étrange nom signifiant chambre nuptiale, cette chambre au secret de laquelle se scellent les noces d’un nuage d’évènements discrets et d’une géométrie du continu."


Nicolas Darrot

in site web : fondation-salomon.com

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