Jean-Baptiste BROSSARD
notaire et fabuliste français
Vienne (Isère) vers 1820
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Le nuage et le soleil **
Même sujet traité différemment (que *)
Vexé d'entendre tous les jours
Exalter du Soleil la gloire et la puissance,
Et froissé de le voir sans cesse, dans son cours,
Remplir tout l'univers de sa magnificence,
Un Nuage orgueilleux,
Jaloux, des plus présomptueux,
Proférait sottement l'invective et l'injure
Contre l'astre divin, flambeau de la nature,
Pensant ainsi le décrier,
Effacer son mérite et le déprécier.
C'était, on ne peut plus, absurde et dérisoire !
En effet, le Soleil, tout rayonnant de gloire,
Ne cessa de briller dans toute sa splendeur,
Méprisant dignement, du haut de sa grandeur,
Le calomniateur trop bas pour être à craindre,
Et ses vaines clameurs trop faibles pour l'atteindre.
De ce calme imposant profondément surpris,
L'insensé du Soleil sentit tout le mépris ;
Transporté de fureur et frémissant de rage,
Pour venger cet affront, l'impétueux Nuage,
Dans l'espace emporté par des vents furieux,
Menace fièrement d'escalader les cieux,
Et d'aller détrôner l'astre dont l'insolence
De son juste courroux brave la violence ;
Mais, à son grand dépit, l'orgueilleux sans pareil
Ne pouvant s'élever au niveau du Soleil,
Passa loin au-dessous, et glissant triste et sombre,
A l'astre lumineux légèrement fit ombre.
Mais, cette ombre fuyant, comme passe l'éclair,
Qui jaillit lumineux, dans les plaines de l'air,
L'astre pompeux du jour, le Dieu de la lumière,
Reparut aussitôt dans sa splendeur première,
Répandant ses faveurs et versant ses bienfaits
Sur les gens d'ici-bas au gré de leurs souhaits.
Honteux de cet échec, le malheureux nuage,
Humilié, confus, et devenu plus sage,
S'alla cacher bien loin, par-delà l'horizon
Et ne reparut plus, non certes sans raison.
Le critique envieux, qui s'attaque au mérite,
Loin de le rabaisser, lui donne plus de prix,
Et s'attire toujours, ainsi qu'il le mérite,
De tous les gens de bien le blâme et le mépris.