John GAY
poète, fabuliste et dramaturge anglais
Barnstaple (Angleterre) 30 juin 1685
Londres (Angleterre) 4 décembre 1732
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Le persan, le Soleil et le Nuage
Si quelque heureux fils d'Apollon
Répand sur ses écrits les flammes du génie,
Aussitôt contre lui la noire jalousie
Exhale son malin poison.
Cette vigilante furie
A son secours appelle les enfers,
Les rimeurs affamés, les détracteurs pervers ;
Mais des blessures de l'envie
La gloire est encore embellie :
La nuit d'un feu plus vif anime les éclairs.
Devant l'astre de la lumière
Un dévot Persan prosterné :
Adressait ainsi sa prière :
"Grand Dieu , de splendeur couronné,
"O toi de qui la main puissante
"Prodigue à la terre indigente
"la vie et la fécondité ;
"Souris à la moisson nouvelle
"Et sur ton serviteur fidèle
"Abaisse un regard de bonté.
A peine il finissait , que d'un jaloux Nuage
Le voile ténébreux sur le disque s'étend,
Et du centre de cet orage
Une voix s'échappe en grondant.
"Peux-tu bien, ignorant, adorer une idole
"Dont à mon gré l'éclat est confondu :
"Renonce à ce culte frivole ;
"Que ton encens s'adresse à qui l'encens est dû".
Mais dans son culte inébranlable,
Le Persan lui répond : "Et sans ce dieu pourtant
"Dont j'invoque aujourd'hui le pouvoir secourable,
"Toi-même dans les airs te verrait-on flottant?
"Sur ce globe de feu quand ta gaze s'étend
"C'est bien alors que ta frêle existence
"Est exposée à tous les yeux.
"Le plus faible zéphir abat sans résistance
"Tes escadrons séditieux".
Mais il s'élève une brise subite,
Et mon Nuage est emporté,
Le Soleil reparaît dans toute sa clarté :
Ainsi tombe l'envie et brille le mérite.