Albert DECROIX
poète français
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Un jour, si votre ciel se couvrait d'un nuage
Un jour, si votre ciel se couvrait d'un nuage,
Si les fleurs sous vos pas n'enchantaient plus vos yeux,
Si la douleur, enfin, voilait votre visage
Comme l'hiver voile les cieux,
Souvenez-vous de moi ! votre gaieté cruelle,
Vos perfides projets, pour vous si pleins d'appas,
Dois-je m'en souvenir quand vous êtes si belle ?
Je ne m'en souviens pas.
Si les rires joyeux de l'heureuse jeunesse,
Si les chants du matin avaient cessé pour vous,
Afin que le bonheur à votre espoir renaisse,
Eh bien, je prierais à genoux !
Car vous n'avez pas dû demander à votre âme
Si c'était généreux ? Elle eût dit non, hélas !
Pourtant je ne saurais vous donner aucun blâme,
Je ne m'en souviens pas.
Si quelque homme au cœur froid - il en est dans ce monde -
Avait surpris votre âme et s'en faisait un jeu,
Et si vous ressentiez une douleur profonde,
Voici, pour vous, quel est mon vœu :
Pardonnez son erreur comme je vous pardonne,
Et dites-lui ces mots qui suivront tous ses pas :
Tout le mal qu'on me fait, la peine qu'on me donne,
Je ne m'en souviens pas.
in Fleurs d'un jour : poésies, Garnier frères (Paris) - 1856