Auguste de JUGE
haut fonctionnaire et poète français
Serrières en Chautagne 1797 — Marcellaz Albanais 1863
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Le nuage et la prière
Où vas-tu, beau nuage,
Imitant dans les cieux
Le cygne au blanc plumage
Effleurant les lacs bleus ?
Trembles-tu qu'à ta vue
Le pêcheur près du bord
N'ose à sa voile émue
Donner un libre essor ;
Ou bien qu'on ne te prenne,
A l'approche d'un deuil,
Pour l'ondoyante laine
Dont on couvre un cercueil ?
Oh ! non : une prière
Au vol mystérieux
T'a pris, char solitaire,
Pour monter vers les cieux.
C'est celle d'une vierge
Aussi rose que toi,
Qui, près d'un pâle cierge,
Le regard plein de foi,
Implorant une mère,
Sur sa tombe, à genoux,
Attend cette lumière
Qui désigne un époux.
Hâte-toi, beau nuage,
Le nom du fiancé
Est sur la sainte page
Par Dieu même tracé.
C'est le nom qu'en silence
La jeune fille aimait
Et qu'en son espérance
Tout bas elle nommait.
Qu'il est doux l'hyménée
Dont l'amour vient du ciel !
Sa coupe fortunée
N'a que roses et miel.
Ainsi dans la prairie
S'enlacent deux ormeaux :
La chaîne qui les lie
Fleurit dans leurs rameaux .
in Fabuliste des Alpes - 1853