Pacifique BOUSSET
fabuliste français
18.. - 18..
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La plaine et le nuage
Une plaine verte et fleurie,
Dans le cours d'un brûlant été,
Mais un été sans rosée et sans pluie,
Vit toute sa fécondité
En une affreuse aridité,
Par l'ardeur du soleil à peu prés convertie.
Rien ne pouvait du ciel corriger l'âpreté.
Alors, gémissant de détresse,
La plaine et les moissons de conjurer les cieux,
Pour arrêter la sécheresse,
D'affaiblir du soleil le disque radieux ;
Ils faisaient pour cela la plus belle promesse.
Cependant quelque jour l'horizon devint gris ;
Puis apparut un gros nuage,
Il recelait en lui la tempête et l'orage ;
Du sol et des moissons il entendit les cris,
Et pour un temps leur fit prendre courage.
De mes flancs, leur dit-il, voyez-vous l'épaisseur ?
Ils sont remplis d'une vapeur humide
Dont cette plaine aride
Va, si je veux, éprouver la douceur.
Puisqu'un vent furieux vous brûle et vous désole,
Me voulez-vous pour défenseur :
Dites une seule parole,
Et je combats votre oppresseur.
On le prit pour un dieu tant il devait bien faire,
Mais, ô perfidie ! ô noirceur !
Quoi qu'eût promis cet encenseur,
Il arriva tout le contraire.
On vit bien s'entrouvrir ses noirs et vastes flancs ;
Et la pluie en eux recélée,
S'en échappa, mais ce fut par torrents,
Détruisit les moissons et, sous d'affreux courants,
Couvrit la plaine désolée :
Les dégâts de l'Auster auraient été moins grands.
Tel s'il se fût montré bon, généreux, modeste,
D'un peuple malheureux pouvait être l'appui ;
Mais il passe en fléau qui ne laisse après lui
Qu'un souvenir triste et funeste !
in Secondes Fables et poésies diverses - 1832