P.-E.
écrivain français
18.. - 18..
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Le nuage et le soleil
Un nuage en ces termes
S'adressait au soleil :
Ta chaleur, il est vrai, fait éclore les germes
Et sait de la nature activer le réveil ;
Pour cet utile office
Je te rendrai justice,
Mais, si je n'étais là, par ton foyer brûlant
Sur le sol desséché tout tomberait mourant.
Je produis l'ombre
Et, sans encombre,
Sur sa tige l'épi se redresse et renaît.
Sans briller comme toi, je sais rendre service.
Faut-il un plus grand sacrifice ?
Pour sauver ces moissons que ton feu condamnait
Je sais donner ma vie, et le so! que j'arrose
Voit reverdir le chêne et refleurir la rose.
Certes, tout le bien que tu fais
N'enlève rien à mes bienfaits.
- Mon ami, répondit le soleil, ton langage
N'est pas celui d'un sage.
Tout dans l'univers suit sa loi :
Tu n'existerais pas sans moi ;
Quelque fier que tu sois, tu n'aurais pas su naître ;
Apprends donc à mieux me connaître,
Tu cesseras de t'exalter.
Cette eau que tu répands, je la rends à l'espace
Où, souvent, l'œil en vain pourrait chercher ta trace ;
Regarde et tu verras flotter
La légére vapeur qui dans l'air se condense
Et te rend l'existence.
Ainsi l'homme, souvent,
De toute chose
Se croit la cause
Et n'est qu'un instrument.
in Rimes d'automne - 1896