Étude des nuages
par photographie synoptique
(Semaine de Nuages)
Note de MM. Ph. Schereschewsky et Ph. Wehrle
présentée par M. R. Bourgeois
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La connaissance des nuages, chapitre capital de la Météorologie, ne peut faire de progrès que par la collaboration internationale des observateurs: cette maxime a déjà été reconnue et pratiquée il y a trente ans dans la période où fut établie la classification internationale des nuages encore en usage aujourd'hui ( Hildebrandson et Teisserenc de Bort ).
Nous avons donc montré précédemment (1) que le moment était venu de reprendre et de poursuivre le travail remarquable de nos prédécesseurs. Nous avons proposé, pour fondement aux recherches nouvelles le concept de système nuageux ; en perfectionnant ce concept, on perfectionnera la classification et la nomenclature des nuages, tâche très importante que le Comité météorologique international a récemment décidé d'entreprendre sur l'initiative du colonel Delcambre.
Nous avons fait photographier simultanément le ciel dans un grand nombre de stations, répéter deux fois par jour cette expérience à 9h et 15h pendant 6 jours consécutifs et étudié synoptiquement les épreuves ainsi obtenues. L'avantage de cette méthode est de substituer aux descriptions trop souvent infidèles ou grossières que fournissent les mots, un document précis et qui laisse le moins de plan possible aux interprétations et aux erreurs de l'observateur. Les résultats obtenus ont d'autant. plus de valeur que le réseau photographique est plus serré et couvre une plus grande étendue même les océans ne doivent pas être négligés.
Une réalisation limitée en principe au territoire français a eu lieu dans la semaine du 15 au 21 janvier 1923. Son objet était moins d'obtenir des résultats scientifiques définitifs (la faible superficie de la France ne permet pas de les escompter avec certitude) que de préparer l'organisation d'une seconde étape dont le rendement scientifique fût aussi élevé que possible et qui s'étendrait à un grand nombre de pays ainsi qu'aux mers et aux océans.
Les résultats préliminaires obtenus au mois de janvier ont été assez favorables pour que nous proposions dès à présent de franchir la seconde étape dans la semaine d'équinoxe de l'automne 1923.
L'Université, les Sociétés de photographie, les Sections de photographie de l'Aéronautique militaire, la Marine, l'Agriculture et de nombreux correspondants bénévoles ont bien voulu collaborer avec les stations de l'Office national Météorologique. Plusieurs observateurs étrangers. se sont aussi joints à nous.
Au total, 255 correspondants ont répondu à notre appel dont 233 en France et 22 dans les pays limitrophes. Le nombre des épreuves reçues atteint 2747. La densité moyenne des vues est de une pour 2700 Km2.
Divers résultats théoriques apparaissent déjà notamment le passage continu des cumulus de traîne aux stratus anticycloniques, mais avant d'en faire état, il convient de les confirmer au cours de la seconde étape.
Les précautions qu'exigera cette dernière ou "Semaine internationale des nuages" ressortent nettement des documents reçus.
La collaboration internationale plus nécessaire encore qu'il y 3o ans doit être organisée cette fois avec des soins tout nouveaux et qui ne feront que croître à mesure que tes recherches s'étendront.
D'une manière générale, il faut que les observations de nuages constituent une série dense et continue aussi bien dans le temps que dans l'espace. Nous demandons 3 photographies par jour à 7h, 13h et 18h' et pendant 7 jours consécutifs. Cette condition qui doit commander toutes les recherches de la Météorologie dynamique n'avait pas été remplie il y a 3o ans lors de l' "Année des Nuages".
Le groupement de toutes les photographies dans une même semaine s'oppose nettement à l'ancienne conception appliquée au lancement des ballons-sonde qu'on lançait à des jours longuement espacés dans l'année. On a enfin reconnu presque partout aujourd'hui que tout système d'observations doit être non seulement continu dans l'espace comme le veut la méthode synoptique ordinaire, mais aussi continu dans le temps puisque les quatre variables latitude, longitude, altitude et temps jouent un rôle également important dans l'étude des transformations du ciel.
On sait que le concept de système nuageux groupe dans une synthèse simple les nombreux "états du ciel" observés simultanément sur de vastes étendues. Il permet d'établir une nomenclature rationnelle des nuages où chacun serait nommé d'après le rôle qu'il joue dans l'ensemble du système. Pour établir effectivement cette nomenclature, il faut étudier remplacement de toutes les formes nuageuses possibles dans les divers systèmes nuageux, étudier pour ainsi dire l'anatomie du système. C'est une tâche considérable, encore inachevée et que le projet que nous venons d'exposer est destiné à mener à bien.
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(1) Comptes rendus, tome 175, 11 juillet 1922.
Séance du 14 mai 1923
in Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences
publiées conformément à une décision de l'Académie en date du 13 juillet 1835
par MM. les secrétaires perpétuels
Tome cent-soixante-seizième janvier-juin 1923