Mikhaïl LERMONTOV
poète, romancier et dramaturge russe
Moscou 15 octobre (3 octobre) 1814
Piatigorsk 27 juillet (15 juillet) 1841
__________
Toutchi
Toutchki nébésnyia, viétchnyié strannniki !
Stépiou lazournoiou, tsiépiou jémtchoujnoiou
Mtchités' vy boud'to kak ia jé, izgnanniki
S milavo sévéra v storonou ioujnouiou.
Kto jé vas gonit : soud'by li riéschénié ?
Zavist' li taïnaïa ? Zlobal' otkrytaïa ?
Ili na vas tiagotit préstouplénié ?
Ili drouzéï klévéta ïadovitaïa ?
Niét vam naskoutchili nivy bézplodnyïa ...
Tchoujdy vam stasti i tchoujdy stradanïa !
Viétchno kholodnyïa, viétchno svobodnyïa
Niét ou vas rodiny, nét vam izgnanïa.
Les nuages
Pèlerins éternels, nuages diaprés!
Sur les steppes d'azur, en rivières d'opales,-
Fugitifs - exilés comme moi, - vous errez
De nos frimas chéris aux rives orientales.
Qui donc vous chasse ainsi ? Quel mystérieux arrêt ?
Est-ce haine brutale ou trame ténébreuse ?
Serait-ce que sur vous un crime pèserait ?
Ou bien de vos amis l'envie (sic) ténébreuse ?
Non ! Exempts de passions, - à l'abri de l'outrage, -
Vous vous êtes lassés du rivage stéril (sic), -
Et pour vous toujours froids, sans frein comme l'orage,
Il n'est pas de patrie, - il n'y a pas d'exil.
"Voici de charmants vers de Lermontoff que j'ai transcrits sur le revers de la page pour l'album polyglotte. C'est au Caucase que Lermontoff les jeta sur le papier, peu de temps après un duel qu'il avait eu à Saint-Pétersbourg. Il parait faire allusion dans ses vers aux médisances du monde qui avaient amené le duel, et qui depuis arrivaient encore jusqu'à lui dans les montagnes du Caucase. Je me suis amusé à les traduire en vers plus ou moins français, placés en regard du texte russe. L'entreprise est scabreuse. Elle l'est d'autant plus que j'ai tenu à conserver fidèlement les idées et les formes dans lesquelles elles sont rendues, ainsi que le rhythme."
Prince Paul Wiasemski
Péra, le 23 mars 1849
4 avril
__________
Les nuages
(1840)
Pèlerins gris du ciel, ô fraternels nuages,
par la steppe d'azur vous fuyez d'un vol lent.
Exilés comme moi, votre éternel voyage
vous entraîne du Nord vers le Midi brûlant.
Qui donc vous chasse ainsi ? Répondez; est-ce haine,
secrète jalousie, ou destins ennemis ?
Ou malédiction de quelque faute ancienne ?
Ou lâche trahison de quelques faux amis ?
Non ! Ce n'est que l'ennui des plaines infécondes...
Ni deuil, ni passion dans votre éther subtil :
éternellement froids et libres, par le monde
vous errez sans patrie et fuyez sans exil.
Transcriptions en rimes françaises par Henri GRÉGOIRE