Salah STÉTIÉ
écrivain et poète libanais d'expression française
Beyrouth (Liban) 28 septembre 1929
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Instrumentation des nuages
La chatte est là, elle regarde la vie avec tristesse
Et ma mère en mourant avait l'air étonné
Il y avait pour la saluer la lune insigne
Celle en toute langue tuée
La rose aussi qu'on aime pourpre calcinée
Qui est douleur de l'eau douleur du monde
Douleur de l'eau autour des bateaux frais
Comme un visage s'en va, grille fermée
Et, quelque part, les choses font silence
Légères d'être dures
Puis la beauté dans les maisons
Fraîches et pures, ouvertes, fraîches pures
Avec leur clés dormantes qui dorment
Dans l'expression du rêve
Tous éléments de leur fluidité clés vides
Ici où nous voici plusieurs
Confiant, inexpliqués, notre force au taureau lumineux
Debout dans la violence des cascades
O beauté des maisons, beauté du songe
De ces maisons dans la folie des montagnes
Avec leurs barques de fleurs inutiles
Traversant des tranches d'eau froide
Où les oiseaux sont chez eux et les nuages
Plus grands de ce côté du cœur
Celui-là même où vient reposer le couchant
Le paysage ayant rangé ses outils :
Autant de cils brûlés par la compassion
Et ma mère en mourant avait l'air étonné
Sa main soudain très grande approchant l'arbre
Du pur dehors, avec les feuilles vaines
Se mélangeant au feu de sa détresse
Comme une lampe indestructible flambe
Au détour du chemin
Fraîche pourtant d'éclairer le chemin
Chemins de la démence de la mort
En ses maisons désertes habitées
A travers elles, maisons, et jusqu'aux astres
Il y a, restée, la grande transparence
Sa violence immobile
Guitare d'eau absolue et profonde
Comme une fille établie dans son profil
Et que voici
Femme tentée par la violence de la mort
Femme tentée par le violence de l'esprit
Et que voici
Avec ses rides, avec la rose de ses cils
S'abreuvant douce à la racine des nuages
Et quels nuages ? Sont rêves de l'esprit
Tous les nuages de la dormition promise
Aigles ouverts sur l'eau du monde